L’Étonnante histoire du puzzle, pièce par pièce

L’Étonnante histoire du puzzle, pièce par pièce

Assembler un puzzle, c’est comme remonter le fil du temps : chaque pièce a sa place, chaque détail a son importance. Mais saviez-vous que ce jeu de patience a traversé les siècles, évoluant au gré des époques et des bouleversements sociaux ? Des cartes disséquées du XVIIIe siècle aux puzzles devenus un refuge en temps de crise, plongeons ensemble dans cette fascinante épopée, pièce par pièce.

Une fascination pour les jeux de patience

Bien avant que les puzzles ne deviennent un loisir populaire, l’humanité a toujours aimé se creuser les méninges. Casse-têtes, énigmes, jeux de patience… On en retrouve des traces à travers toutes les époques et civilisations, utilisés à des fins éducatives, récréatives et même spirituelles. Plusieurs pays revendiquent l’invention du puzzle, mais un moment clé fait consensus parmi les historiens : l’apparition, au XVIIIe siècle, d’un outil pédagogique révolutionnaire signé John Spilsbury.

John Spilsbury

18e siècle (1760-1800) : une invention pédagogique 

Ce cartographe britannique, formé auprès de Thomas Jefferys – géographe officiel du roi George III – écrit une page d’histoire vers 1765. Pour rendre l’apprentissage de la géographie plus concret, il crée les premières « cartes disséquées » : des planches de bois sur lesquelles il peint ou colle (c’est pas clair!) des cartes du monde avant de découper les frontières des pays à la main.

Vendus dans de belles boîtes en bois à un prix élevé, ces puzzles sont destinés aux enfants de la haute société, y compris ceux du roi. L’objectif pédagogique s’aligne avec l’esprit du Siècle des Lumières, mettant l’accent sur l’éducation et la pensée rationnelle. Le succès est immédiat. Histoire, botanique, anatomie… L’éducation interactive prend son essor, un concept toujours clé aujourd’hui.

Petit détail amusant : à l’époque, aucune image de référence n’accompagne les puzzles – un vrai défi ! Certains fabricants modernes perpétuent même l’idée de Spilsbury en numérotant le dos des pièces pour aider les joueurs.

Le bois dur, comme l’acajou, est privilégié pour sa durabilité. Chaque puzzle, découpé à la main, est unique, ce qui en fait un objet de luxe réservé aux classes aisées.

Aujourd’hui, les compétitions éducatives de puzzles signées Puzz & Buzz s’inscrivent dans cet héritage : apprendre tout en s’amusant. Après tout, assembler un puzzle, c’est un peu comme construire un monde, pièce par pièce !

Sur le site web MicroPuzzles, Rachel et Michael disent posséder l’un des premiers puzzles de John Spilsbury, datant de 1767, dans un état remarquable, avec sa boîte et son étiquette d’origine.
Puzzle, type carte disséquée, réalisé par John Spilsbury
Puzzle réalisé par John Spilsbury

19e siècle (1800-1900) : diversification et évolution 

Au début du XIXe siècle, les puzzles se diversifient avec de nouveaux thèmes éducatifs: art, histoire, sciences naturelles et alphabets. Puis, dès les années 1840-1850, ils évoluent en supports de divertissement avec des illustrations de comptines, d’animaux, de contes de fées et de scènes du quotidien. D’abord destinés aux enfants, ils séduisent peu à peu les adultes comme passe-temps.

Dans les années 1870-1880, les fabricants innovent avec des techniques de découpe permettant des pièces imbriquées, rendant les puzzles plus complexes et attrayants. L’introduction de la scie à chantourner facilite encore cette évolution, accélérant la production. La fabrication de puzzles devient une industrie artisanale, dans laquelle de plus en plus de femmes s’impliquent, leur offrant ainsi une source de revenus et contribuant à leur émancipation.

Si les fabricants britanniques dominent d’abord le marché, la fin du XIXe siècle voit émerger des producteurs américains, qui s’inspirent des modèles britanniques. Pour le plaisir des plus grands, les puzzles commencent à représenter des œuvres d’art célèbres, comme des peintures de Van Gogh et Monet, ainsi que des scènes littéraires et mythologiques.

20e siècle (1900-2000) : un refuge en temps de crise

Période avant-guerre (1900-1914)

Au début du XXe siècle, les puzzles ne sont plus seulement éducatifs. Les modèles en bois découpés à la main par des artisans deviennent un loisir prisé des classes aisées. Certains intègrent même des “pièces pièges” : bords irréguliers, faux coins ou formes fantaisistes d’animaux et d’objets. On commence aussi à reconnaître leurs bienfaits sur la santé mentale.

Dès 1907, les puzzles en carton apparaissent, rendant ce loisir plus abordable, bien que jugé de moindre qualité au début. En 1908-1910, les États-Unis connaissent un véritable engouement pour ces puzzles, grâce aux premières découpes aléatoires, rendant leur assemblage encore plus imprévisible. En 1909, la première mention officielle du mot « puzzle » apparaît.

Traduction du mot « puzzle » en différentes langues

Anglais, Français, Allemand, Italien : puzzle
Néerlandais : puzzel
Hébreu : פאזל (pazel)
Russe : пазл (pazl)
Japonais : パズル (pazuru)
Chinois : 拼图 (pīntú)
Espagnol : rompecabezas
Portugais : quebra-cabeça

Le mot reste similaire dans de nombreuses langues,
ce qui témoigne de son influence internationale.

Première Guerre mondiale (1914-1918)

Pendant la Première Guerre mondiale, des puzzles auraient été envoyés aux soldats sur le front pour maintenir leur moral. Dans les hôpitaux militaires, ils auraient même été utilisés en ergothérapie pour aider les blessés à retrouver leurs capacités physiques et mentales.

Entre 1910 et 1930, les autorités américaines utilisent également les puzzles pour évaluer les capacités cognitives des nouveaux arrivants à Ellis Island. Ceux qui échouent à leur test risquent l’exclusion du territoire.

En 1917, l’exil de l’aristocratie russe fuyant la révolution bolchevique favorise la diffusion des puzzles en France. Certains de ces réfugiés implantent une compagnie spécialisée dans la découpe et la vente de puzzles en bois, contribuant à populariser ce loisir dans leur pays d’accueil.

La Grande Dépression (1929-1938) : l’âge d’or du puzzle moderne

Dans les années 1920 et 1930, les puzzles connaissent un véritable âge d’or. La Grande Dépression frappe durement les foyers, et face à l’incertitude économique, les familles cherchent des moyens abordables de se distraire. Le puzzle devient bien plus qu’un simple passe-temps : c’est une forme d’évasion.

Pour quelques centimes, on peut s’évader le temps d’une soirée, oublier les tracas du quotidien et ressentir une satisfaction précieuse en plaçant la dernière pièce. Des soirées puzzles s’organisent, rassemblant familles et voisins autour d’un même défi, renforçant les liens sociaux dans une période marquée par l’adversité.

Les fabricants, eux, redoublent d’ingéniosité. Les journaux et magasins offrent des puzzles en cadeau pour attirer les clients. Une nouvelle habitude se crée : chaque semaine, un nouveau modèle à découvrir. De nombreux artisans au chômage – architectes, charpentiers et menuisiers – se reconvertissent dans la découpe artisanale de puzzles, trouvant là un moyen de subsistance inattendu.

Le phénomène prend une telle ampleur que des services de location de puzzles émergent : au lieu d’acheter, on emprunte un modèle, on le complète, puis on l’échange contre un autre. Une pratique qui rappelle les abonnements modernes, preuve que l’histoire des puzzles est jalonnée d’innovations qui traversent les générations.

À suivre

Des cartes disséquées de Spilsbury aux puzzles modernes, ces jeux ont traversé les siècles en s’adaptant aux évolutions culturelles et économiques. Que ce soit pour apprendre, se détendre ou surmonter les épreuves de la vie, le puzzle a su prouver son intemporalité.

Après avoir exploré ses origines fascinantes et sa montée en popularité, intéressons-nous maintenant aux acteurs et tendances qui ont marqué son histoire récente. Restez connectés pour La Suite de l’étonnante histoire du puzzle !

Ressources additionnelles:
Jigsaw Puzzle : An Illustrated History, Anne D. Williams (1990)
The Jigsaw Puzzle : Piecing Together a History, Anne D. Williams (2004)
www.oldpuzzles.com

Madame Puzzle

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